Entretien au sujet de Distant Movements
Annie Abrahams, Ivan Magrin-Chagnolleau (1)(2), Alix de Morant (3), Dabiel Pinheiro, Muriel Piqué (1)
(1) Aix-Marseille Univ, CNRS, PRISM, Marseille, France
(2) Chapman University, Orange, California
(3) Université Paul Valéry Montpellier3, Montpellier, France
Citer cet Article
Abrahams A., Magrin-Chagnolleau I., de Morant A., Pinheiro D., Piqué M. (2022). Entretien au sujet de Distant Movements. p-e-r-f-o-r-m-a-n-c-e, 6.
Ivan : Très bien, alors commençons. Nous sommes donc ici aujourd’hui pour avoir une conversation autour de l’expérimentation appelée Distant Movements. Cette expérimentation a été conçue par Annie Abrahams, Daniel Pinheiro et Muriel Piqué. Et nous ferons également partie de la conversation, Alix de Morant et moi.
Et peut-être en guise de première question, si chacun de vous, Daniel, Annie et Muriel pouvait juste dire quelques mots sur qui vous êtes.
Annie : D’accord. Je suis Annie Abrahams, je suis une artiste qui travaille sur… comment dire ? Je pense que mon travail porte principalement sur le principe de collaboration, en particulier dans les environnements numériques, mais pas seulement. Le comportement est l’élément esthétique essentiel de mon art.
Muriel : Je suis Muriel Piqué, artiste chorégraphe. Actuellement doctorante en pratique et théorie de la création artistique, ma recherche porte principalement sur la question du surgissement de la danse dans le quotidien de tout un chacun. Et peut-être pourrais-je résumer ma question de recherche en remarquant que c’est une sorte de transition, de translation entre l’esthétique et l’éthique de l’attitude, voire de la guidance qui permettrait à la danse de surgir, d’apparaître. J’ai rejoint ce projet, Distant Movements, grâce à Annie. Également ma directrice artistique de thèse, nos échanges sont fréquents et fertiles ! C’est comme ça qu’est né pour moi Distant Mouvements.
Daniel : Je suis Daniel Pinheiro et je suis basé au Portugal. J’ai une formation dans les arts de la scène, plus particulièrement le théâtre. Depuis les neuf dernières années, je m’intéresse aux technologies et environnements du numérique, et plus particulièrement à la visioconférence comme moyen de développer un travail performatif. C’est par ma pratique dans ce domaine que je suis « tombé » sur le travail d’Annie : nous nous sommes connectés et avons commencé à collaborer. C’est ainsi que nous avons conçu Distant Feelings, notre précédent projet et que je me suis impliqué ensuite dans Distant Movements. Oui, je m’intéresse au potentiel de performativité de l’environnement en ligne, principalement mais pas seulement…
Ivan : Alix, tu veux dire quelques mots aussi ?
Alix : Je suis Alix de Morant et je suis chercheuse en esthétiques théâtrales et chorégraphiques. Mon principal domaine de recherche est la création in situ, j’explore le lien entre œuvre et environnement et on peut considérer que l’environnement virtuel peut aussi être un in situ. En plus de cela, je consacre mes travaux aux dispositifs participatifs, à la performance et à l’actualité de la scène chorégraphique dans une perspective intermédiale.
Ivan : Je suis Ivan Magrin-Chagnolleau, je suis un artiste chercheur. En tant qu’artiste, je travaille dans le théâtre, le cinéma, la musique et la photographie. J’ai fait de la mise en scène, de la réalisation de films, de la photographie, de la composition musicale. En tant que chercheur, je suis actuellement particulièrement intéressé par le processus créatif. Donc tout ce qui a à voir avec le processus de création, du point de vue de l’expérience du créateur.
Tout d’abord, pouvez-vous dire quelle est votre localisation géographique en ce moment ? Pour Daniel, c’est Porto tu nous as dit.
Annie : Je suis à Montpellier.
Alix : Je suis à Montpellier.
Muriel : Je suis à Cotterêts. C’est dans les Pyrénées Atlantiques.
Ivan : Et moi, je suis en région parisienne.
Pour commencer, si vous pouvez dire quelques mots sur la genèse du projet, comment a-t-il commencé ? J’ai cru comprendre que vous faisiez Distant Feelings avant de commencer Distant Movements, ce deuxième projet étant une sorte de continuation du précédent ?
Annie : J’aimerais revenir en arrière, si cela ne vous dérange pas. En 2012, j’ai écrit un article Trapped to Reveal1 qui portait sur la collaboration et la communication via des webcams. Dans cet article, j’ai formulé en quelque sorte ce qui était le plus important pour moi à l’époque, je vais vous en lire un extrait :
« La collaboration en tant que pratique artistique est très débattue. […] J’aimerais penser que dès que l’on considère que la collaboration n’est pas nécessairement consensuelle, on peut dépasser ces problématiques binaires et commencer à naviguer dans un domaine qui ne fait pas choisir entre le politique et l’art. Un domaine qui utilise la différence et les singularités pour ouvrir un nouvel espace d’être avec les autres et de permettre ainsi de nouvelles façons peu spectaculaires de communiquer. Dans cette perspective, il serait intéressant d’explorer l’opérationnalité des concepts de « nous » et d’ « être avec » de Jean-Luc Nancy, tels que je les ai rencontrés via l’article The Joy of Co-belonging?2 de Martina Ruhsam, dans ma pratique de la performance. »3
Depuis ce moment-là, j’ai exploré ces concepts de « with / avec » et « being with / être avec »4. Cela m’a aussi conduite à la pratique performative de Distant Feelings et Distant Movements.
Daniel : Effectivement Distant Movements est né à partir de certaines caractéristiques et spécificités déjà présentes dans Distant Feelings. Annie et moi avons répondu à un appel à projet particulier, et Muriel nous a rejoint à l’invitation d’Annie. C’est donc Annie qui nous a réunis. Nous souhaitions explorer l’idée du mouvement à distance, c’était l’occasion. Ainsi au départ, ce tout premier Distant Movements, présenté dans un Festival en Italie pendant l’été 2018, ne donnait à voir aucun mouvement des corps. Le guidage invitait à ressentir un mouvement intérieur, invisible. En résumé, nous avons été réunis par Annie, à travers nos collaborations avec elle, individuellement.
Alix : Muriel, tu voudrais ajouter quelque chose ?
Muriel : J’ai simplement participé à Distant Feelings de temps en temps, c’est donc difficile pour moi de parler de la teneur même de ce projet. Cependant, au regard de mon vécu, il y a effectivement une même qualité de regard intérieur et d’écoute de soi : c’est un aspect très important qui, s’il n’est pas le moteur, est peut-être un préalable.
Ivan : Qu’est-ce qui vous a poussé à passer de Distant Feelings à Distant Movements ? Et, plus important encore, quelle était votre motivation initiale pour Distant Movements ? Que visiez-vous ? Bien sûr, cela pourrait être différent pour chacun de vous. Et cela pourrait être aussi très différent, entre le moment où vous avez commencé et là où vous en êtes aujourd’hui. Mais vous vous souvenez peut-être quel a été le point de cristallisation lorsque vous avez commencé ?
Annie : Je me souviens que Muriel m’avait parlé de son envie d’explorer une danse intérieure. Or, en regardant attentivement les captations de Distant Feelings, nous avions remarqué que la présence à l’écran de plusieurs personnes – bien qu’immobiles et les yeux fermés – donnait à lire des choses subtiles sur les visages. Lors des premiers essais de Distant Movements, nous avons donc fermé les yeux, Daniel et moi, et testé ce qui arriverait à nos visages si Muriel nous décrivait une danse intérieure. Cette danse était-elle visible sur nos visages alors que nous essayions de l’imaginer ? Il n’en résultait pas grand-chose, cependant il fut très clair que nous voulions bouger, autant Daniel que moi. Nous aurions tellement voulu bouger à ce moment-là. C’est ainsi que tout a commencé.
Aujourd’hui, j’aimerais revenir à cette première étape et essayer à nouveau pour voir… Parce que nous avons beaucoup changé dans la manière que nous avons de guider… Peut-être que maintenant ce qui se passe en nous serait visible sur nos visages ?
Daniel : En effet, au début il ne se passait apparemment rien. Je me souviens que Muriel proposait une danse intérieure très liée à notre position devant l’ordinateur, devant la webcam. Imaginer cette danse faisait apparaître sur les visages des micromouvements qui n’étaient pas intentionnels. À ce moment, ce que j’ai ressenti a fait écho à une autre pratique que je partage avec Lisa Parra, une artiste et chorégraphe de New York, Land Project : nous étudions les possibilités de nous déplacer réellement ensemble à distance. Aussi, pour moi, la direction était très claire. « Que se passe-t-il si nous commençons à bouger les yeux fermés et quelle est cette relation que nous établissons via l’ordinateur ? » À la différence de ce que je partage avec Lisa, la proposition était : comment une danse intériorisée en relation avec l’ordinateur peut-elle réellement affecter notre mouvement ? Comment un guidage à distance peut-il l’influencer ? Comment pouvons-nous commencer à jouer avec ces contraintes et construire à partir de l’environnement lui-même ? Il me semble que c’est ainsi que nous avons commencé à formuler nos questions, et à partir des besoins et des curiosités que nous aimerions voir traités ou abordés dans Distant Movements. C’est comme ça, je suppose, en plus de ce qu’Annie a dit, que le processus s’est déclenché et que le moteur a commencé à fonctionner.
Ivan : Parce qu’il y a beaucoup de variations d’une session à l’autre de Distant Movements, comment décririez-vous le protocole ? Quels sont les constantes de toutes les différentes versions de Distant Movements ?
Alix : Je voudrais ajouter plusieurs éléments à la question d’Ivan. La première chose serait de décrire pour quelqu’un qui ne connaît pas Distant Movements le protocole. Ensuite, qu’y a-t-il derrière ce mot de mouvement pour chacun d’entre vous ? J’aimerais que chacun précise quelle est son approche singulière du mouvement ? Ensuite, vous avez déjà parlé de guidage mais de manière assez implicite. Muriel, quelles étaient les premières directives données ?
Muriel : Je commencerai par répondre à cette dernière question. De mémoire, et je préfère garder la subjectivité du souvenir à vérifier sur les traces vidéo, je proposais des consignes très tactiles, très proche de la peau, de la périphérie du corps, qui invitait à toucher le clavier de l’ordinateur, de s’approcher de l’écran, de sentir l’air passer autour de soi. C’étaient des consignes qui pouvaient favoriser un état de corps plutôt individuel, oui. De cette première expérience de mouvement à distance a surgi une autre qualité de conduite, lorsque la question de l’être ensemble à distance a commencé à se clarifier en moi, dans mon corps. C’est une histoire de ressenti. Je ne parle pas de ressenti émotionnel, je parle du ressenti physique, incarné, du sensible. Aussi lorsque l’approche d’un être ensemble à distance est devenue plus limpide, la conduite que j’ai proposée est devenue plus universelle, plus transversale. J’avais l’impression qu’elle pouvait s’adresser à tout le monde. J’ai cherché à atteindre un sensible que chacun pourrait exprimer différemment, c’est-à-dire en respectant ses différences. J’ai tourné un certain temps autour de se sentir commun : en passant par des moments très intimes, partagés avec l’espoir que d’autres les ressentent intimement. Parfois c’était un leurre, d’autres fois non. J’allais chercher l’intimité de l’autre, physiquement. La question de la présence du corps que tu énonces, Alix, est essentielle pour moi.
Alix : J’ai posé la question du mouvement plutôt que celle du corps pour que vous situiez l’endroit d’où part pour vous le mouvement. Annie par exemple a dit tout à l’heure. « À ce stade, je voulais bouger ». Que signifie pour vous ce besoin de se bouger ? Quelles sont vos pratiques ? Comment traduisez-vous ces pratiques dans Distant Movements ? Enfin, comment caractérisez-vous Distant Movements pour quelqu’un qui ne l’a pas connu auparavant ?
Muriel : Alors, pour me recentrer, donc… Je cherche à interroger la guidance, la qualité de la conduite que je vais mettre en jeu. Je cherche à aborder le mouvement par le fait de l’appeler, pas simplement de le nommer, mais de le héler presque. C’est donc une façon différente d’envisager le mouvement. Dans un faire à distance, c’était presque la seule façon que je croyais possible au départ : appeler le mouvement pour le faire advenir. Comment le mouvement aurait-il pu arriver si on ne le hélait pas ? Puisqu’il n’y avait aucun flux, aucune sensation physique réelle des personnes à proximité de moi, seulement par écran interposé, je ne pouvais qu’imaginer. Et puis, il serait nécessaire de vous partager ma prise de conscience : j’ai abandonné cette idée préconçue qui était de croire qu’on ne pouvait pas sentir réellement l’autre à distance…
Ivan : Alors, comment décririez-vous le protocole ? J’y reviens maintenant, car je pense que c’est une question très intéressante en ce sens que votre dispositif est participatif. Vous demandez aux gens d’en faire partie. Comment leur décrivez-vous le processus auquel ils vont venir se joindre ?
Daniel : Je pense que cette question a été l’une des questions centrales de la recherche jusqu’à présent. En ce sens, c’est peut-être une question très complexe, même si elle semble très simple. Dès que nous trouvions le temps de pratiquer entre nous, nous faisions des expériences de manière très ouverte. À chaque fois, nous expérimentions différentes choses qui nous intéressaient. Devions-nous guider tous les trois ? Ou chacun notre tour ? Et si nous invitions quelqu’un d’autre qui ne connaîtrait pas le projet pour recueillir un feedback ?
Pendant la première période de confinement liée à la covid, lorsque nous nous sommes lancé le défi d’une séance hebdomadaire de Distant Movements, nous avons commencé à comprendre que nous devions trouver un moyen simple d’impliquer un public élargi, quelque chose qui serait compréhensible, et à partir duquel tout le monde pourrait se sentir bienvenu et s’engager. Quel a été le déclencheur pour activer réellement ce qui est au cœur de ce projet qu’est le mouvement ? Je suppose que nous sommes arrivés à un stade où si nous parlons de méthodologie. Pour moi c’est un dispositif qui permet aux gens de bouger ensemble à distance, tout en essayant d’interroger la relation entre ce qui se passe dans leur corps, quand ils ont les yeux fermés et les consignes qu’ils reçoivent d’ailleurs. Comment cela affecte-t-il ma présence physique de bouger dans un même espace virtuel avec d’autres personnes ?
Pour répondre à Alix sur ma perception de ce qu’est le mouvement, je ne viens pas de la danse, je viens du théâtre. Au cours de mon apprentissage, j’ai eu plus d’expériences avec le mouvement qu’avec la danse. Aussi je vois le mouvement, non pas comme un mouvement individuel, mais comme la conséquence d’un rapport avec d’autres corps situés dans un même espace. Le corps est toujours en relation avec l’espace. Par conséquent, ma question dans cet environnement, également à cause de mes autres projets en ligne, a été : « Que se passe-t-il dans cet espace numérique ? Tandis que les corps ne partagent pas le même espace physique, comment puis-je rechercher en quoi et comment ce que je fais ou dis pourrait influencer les autres corps ? Et inversement ? » Je sens que Distant Movements est un moyen pour chacun d’entrer en mouvement à distance, les yeux fermés. Par ailleurs, il y a cette question spécifique : Qu’est-ce que nous recherchons dans ce dispositif en ligne : de quelle façon pouvons-nous avancer ensemble ? Pourquoi le faisons-nous précisément dans cet espace ? Qu’est-ce qui le rend si différent d’un autre espace ?
Alix : Annie, voudrais-tu ajouter un mot ?
Annie : Il y a beaucoup à dire, mais si je dois parler d’où vient la danse, pour moi, la danse vient de mon intérieur, de tout ce que j’ai un jour vu, connu, vécu autour de la danse. Et quand j’ai commencé à danser moi-même, j’ai bâti à partir de ce savoir situé. Être en mouvement, c’est donc un dialogue entre les images et choses que j’ai dans ma tête, et ce que mon corps peut faire. Je recherche dans la danse, la liberté, la joie, le désir, le bonheur et aussi l’expression. Pour moi, c’est très en lien avec la peinture et le dessin, mon corps devenant le crayon.
Lorsque je pense à ce qu’est Distant Movements, je me rapproche de ce qu’en dit Daniel. Cependant, il y a un aspect très spécifique que nous n’avons pas encore abordé : Distant Movements, c’est aussi la réunion d’univers différents. Et il nous a fallu très longtemps en réalité, pour trouver comment se rencontrer avec Daniel et Muriel. Distant Movements est aussi un processus. Il ne dépend pas seulement de ce que nous voulons, ou de ce que nous pensons, mais il se nourrit aussi de ce que nous découvrons, des réactions de chacun et de comment nous pouvons continuer en prenant en compte tout ça.
Alix : Je voudrais réagir aux dernières choses qu’Annie a dites, mentionnant que Distant Movements est la réunion d’univers différents et que cela implique la relation que vous entretenez ensemble. Mais à quel moment avez-vous pensé pouvoir formuler une invitation à d’autres ? Comment décririez-vous Distant Movements à quelqu’un qui rejoindrait pour la première fois une séance ? Quelqu’un que vous ne connaissez pas ?
Annie : Je n’ai pas les mots exacts. Je pense que c’est lié au protocole que nous avons développé pendant la période de confinement à destination des personnes que nous accueillons. Pendant le confinement, la recherche s’est muée en une pratique et le protocole est là. Il y a quelques jours, j’ai regardé à nouveau toutes les vidéos et entendu les commentaires des personnes que nous avions invitées à expérimenter à nos côtés. J’ai repéré certaines choses que je n’avais pas comprises sur le moment, mais qui pourtant ont influencé d’une façon ou d’une autre, ma propre compréhension de ce que nous expérimentons. Le processus est en cours, peut-être vient-il seulement de commencer, je ne sais pas. Maintenant, nous devons continuer la recherche sur Distant Movements tous les trois, avec parfois un invité comme regard extérieur porté sur le processus.
Ivan : Peut-on dire que Distant Movements inclut l’idée en soi que le protocole est en constante évolution. Serait-il correct de dire que cela fait partie de la recherche, qui consiste à affiner le protocole au fur et à mesure que les questions évoluent ?
Muriel : Pour ma part, j’ai l’impression, à chaque fois, que nous allons trouver le bon protocole, et le conserver. J’ai la conviction que quelque chose va s’approfondir grâce au fait de réitérer le même protocole. Mais non ! Jusqu’à présent, le protocole a constamment changé. Peut-être cela fait-il partie de ce que décrit Annie ? Peut-être est-ce la conséquence de nos différents univers ? En danse, il y a une certaine recherche d’une forme de stabilité du protocole lié au mouvement. Chaque mouvement est tellement riche, il y a tant d’informations à décoder, qu’il est nécessaire de faire et refaire pour laisser émerger l’incroyable quantité d’informations que chaque mouvement sous-tend. Donc, ma formation me conduit naturellement à rechercher une stabilité dans le protocole. Je n’ai pas du tout l’impression qu‘il en soit de même pour Annie et pour Daniel. Lorsque le protocole est en permanence remis en question, cela produit des effets très positifs sur le processus collaboratif. Effectivement, dès que l’on se fige dans une attitude, la relation devient moins fluide, moins libre. Cependant, le manque de stabilité a des effets sur l’absence d’approfondissement de la présence même du corps en mouvement et de la conscience des micro-informations produites par le corps en mouvement, à mes yeux…
Annie : Je suis prête à répéter avec toi Muriel encore et encore. Mais je ne recherche pas la stabilité. C’est une différence, je pense.
Muriel : C’est sûr ! C’est sûr ! (Rires) Mais peut-être qu’il y a quelque chose de révélateur dans cette réflexion : Les directives que je propose ne sont pas le miroir de ce que je suis. Il y a en moi un écart, assez grand, entre la stabilité du protocole (que j’ai tendance à viser) et les multiples variations du mouvement que je vis. Je dirais même qu’il y a très peu de lien entre les consignes énoncées pour guider le mouvement et mon ressenti, mon vécu ou mon expérience du moment.
Ivan : J’allais dire que votre objectif principal n’est pas de stabiliser le protocole, mais de mieux vous connaître. Comme la dynamique de se connaître est en constante évolution, l’expérience évolue constamment. Je vous partage juste une pensée…
Alix : Je vais rester sur cet aspect de la stabilité et de l’instabilité. Cela résonne très clairement dans ce que vous dites parce que je pense que chacun d’entre vous a une relation très différente au mouvement. Ce que Daniel relate du mouvement est très différent de ce que vous en dites, Muriel, Annie. Donc, si nous essayons juste d’observer cette question du mouvement, il y a déjà un monde qui s’ouvre parce que vous en avez déjà trois conceptions différentes. Elles peuvent s’entrecroiser mais vous en avez trois approches bien distinctes. Partons du cadre, car si nous parlons d’instabilité et d’un protocole qui évolue constamment, le cadre reste, lui, inchangé. C’est un cadre commun et c’est un dispositif médiatique artificiel et à caractère, au départ, purement commercial. Je pense que vous cherchez à y instaurer de la bifurcation ou comment spéculer à partir de l’appareil pour en modifier les codes. Comment allez-vous dans un cadre si rigide gérer cette question de présence dont parlait Daniel ? « Je voulais voir comment je peux être présent au loin. » Pourriez-vous être plus précis à ce sujet ?
Daniel : Est-ce que nous donnons à la caméra une place centrale, à partir de laquelle nous construisons notre recherche ? Ou non ? Avec Distant Movements, nous ne créons pas d’image, mais de la présence. De cela, nous en avons discuté très tôt. Les images enregistrées que nous conservons de toutes les sessions ont aussi valeur de documentation, et c’est la seule façon que nous ayons de retraverser l’expérience après coup. J’ai déjà exploré cette idée de présence, avec les yeux ouverts au travers du processus d’action/réaction dans Land Project. J’ai aussi vu quelques expériences avec Annie dans ses projets avec des objets (Besides , avec Martina Ruhsam, par exemple), là aussi je sens que je peux aussi parler de présence. Dans le contexte de Distant Movements, j’ai toujours essayé de percevoir les autres corps d’une manière différente de celle qui pourrait avoir lieu si les corps étaient dans le même espace que moi. Par exemple, il y a du bruit, des sons, la respiration, etc. Et tout ceci traverse ce que vous appelez « un cadre très rigide ». Ce qui est spécifique à Distant Movements, c’est que nous faisons tout cela les yeux fermés. Le cadre fixé par la webcam est là, mais ce n’est pas la principale préoccupation, et ce n’est pas ce qui délimite nos mouvements. Bien souvent, dans les autres projets que je travaille, le cadre (écran) détermine l’espace dans lequel je bouge. Avec Distant Movements je ne pense pas que cela puisse être le cas, d’ailleurs nous en avons déjà discuté ensemble et conclu que ça n’avait pas d’intérêt… Ici, entre mon corps et le corps de l’autre, à distance, j’amènerai le mot “résonance” : car cela a à voir avec la façon dont les choses (les paroles, le son des respirations, la présence des autres, etc.) résonnent dans mon corps depuis l’autre côté de l’écran, et inversement…
Annie : À travers les machines ?
Daniel : À travers les machines. Oui. Parfois, j’oublie de le rappeler parce que j’ai tellement travaillé avec.
Ivan : Vous avez tendance à oublier parfois qu’il y a un appareil entre nous.
Ivan : C’était amusant en regardant les différentes versions que vous nous avez envoyées, de voir l’évolution du look de Daniel !
[Rire]
Alix : Il fait très attention à son image, dans les dispositifs, de même que Muriel fait très attention sans le vouloir à l’image de son geste, même quand elle a le dos tourné à la caméra.
[Rire]
Annie : C’est vrai, c’est vrai. Il y a une petite anecdote. La première fois que je l’ai rencontrée, c’était à l’occasion d’une performance, dans laquelle elle participait en tant que performeuse.
Muriel : Pour toi !
Annie : Oui. Dans cette performance étaient rassemblées deux personnes qui n’avaient aucune expérience de la scène et deux personnes qui venaient de la danse et du théâtre. Pour ce que je voulais donner à voir, j’ai trouvé les deux personnes sans expérience beaucoup mieux ! Parce que Muriel et l’autre ont des habitudes : dès qu’il y a une caméra, dès qu’il y a du public, il se passe quelque chose tout de suite.
[Rire]
Alix : Quand on regarde les différents enregistrements, on peut le voir.
Ivan : C’est une très bonne transition pour relancer la discussion. Avec cette question : quelle est l’influence du fait que l’expérience soit filmée sur la liberté et la conscience que chaque participant a sur ce qu’il fait ? Comme le fait que vous-même, même si ce n’est pas forcément toujours conscient, vous faites parfois quelque chose pour la caméra ? Je veux dire, pouvez-vous nous en dire plus sur ce que vous en pensez ?
Muriel : Alors, consciemment, je ne crois pas que je fasse quelque chose pour la caméra. Mais, inconsciemment comme le suggère Alix, il est possible effectivement que ma conscience de la forme du mouvement participe à ce qui a lieu ! Le dispositif, Annie le faisait remarquer, ne s’arrête pas simplement à l’écran et à l’ordinateur devant soi, ni à la question du cloud et de la distance. A mes yeux, faire entrer un état de danse, faire apparaître un état de danse, participe aussi du dispositif, et c’est un repère important pour moi. Peut-être cela influence-t-il ma relation à la caméra ? C’est-à-dire, je cherche moi-même immédiatement à entrer dans un état de danse, ce qui implique visibilité, lisibilité, clarté, conscience de ce qui se passe à l’intérieur comme à l’extérieur, conscience de l’existence de la forme, de la temporalité, des contours du geste. En résumé, les questions essentielles à la danse influencent énormément la qualité de ma présence, on pourrait dire la qualité de la présence que je nourris.
Et puis je crois que plus je suis moi-même dans un état de danse, plus toute personne, même à distance peut entrer dans la danse… L’état de danse crée un espace intermédiaire, un espace « intermédial » : c’est cet espace « intermédial » qui permet d’entrer en relation, qui fait que nous sommes ensemble, en train de danser ensemble, dans un environnement commun même à distance. Est-ce une projection ? Est-ce réel ? Je constate juste que le fait de générer un espace relationnel « intermédial » propre à l’état de danse, est une intention en constante évolution, elle ne peut s’arrêter ou se figer. En ce sens, cela rejoint la notion qu’Annie nommait l’absence de stabilité : il n’y a pas de finalité, il n’y a pas d’aboutissement à mon intention.
Et puis il y a un autre aspect du dispositif qui m’intéresse et nourrit mon imaginaire du mouvement (et va faire revenir la caméra dans la discussion) : c’est de prendre en considération que les personnes sont chez elles. Elles sont dans un état d’intimité, dans un contexte d’invisibilité finalement, alors qu’elles sont rendues visibles par le dispositif. Ce contexte, j’imagine, est propice à faire apparaître l’incongruité du corps dansant. Parce que le corps dansant n’est pas un corps socialement admis. Le corps qui danse est un corps qui fait des choses bizarres, des gestes qui ne sont pas convenus, qui dépassent les frontières de la discrétion dans lequel le corps devrait être maintenu dans le cadre d’une relation sociale normale. Le corps dansant s’approche de l’incongruité. Distant Movements propose de se retrouver dans un espace intime, un endroit qui finalement permet d’accepter d’entrer dans une inventivité du mouvement.
Annie : Je voulais ajouter que pour moi, cet œil de la webcam, c’est quelque chose qui rend les gens responsables. Elle vous place dans l’espace public. En acceptant de participer à Distant Movements, vous savez que vous allez révéler/donner à voir quelque chose de vous-même. C’est à mes yeux le rôle de la webcam dans l’apparatus.
Muriel : Peut-être que chacun n’est pas conscient à la même échelle de ce qu’il révèle de lui-même ?
Ivan : Je comprends ce que tu dis, parce que je me souviens dans l’une des discussions, et c’est aussi quelque chose que je voulais questionner, de la notion d’apprentissage. Et il y a l’apprentissage à travers le dispositif qui, bien sûr, pour vous trois est unique parce que vous êtes, sauf peut-être quelques exceptions, les seuls à avoir fait toutes les expérimentations de Distant Movements. Mais il y a aussi l’apprentissage d’être devant une caméra. Et comme je suis moi-même acteur, et que j’ai fait quelques rôles dans des films, c’est quelque chose que j’ai expérimenté aussi. On apprend à oublier la caméra, on apprend à savoir que la caméra est là et on en est toujours conscient, mais en même temps vous travaillez sur votre capacité à vivre une expérience presque comme si la caméra n’était pas là. Et c’est clairement le résultat d’une formation. Et c’est la même chose avec la danse, selon que vous soyez formé à danser devant un public ou que vous ne soyez pas formé pour danser devant un public. Et je pense que cela a un impact sur l’impact du dispositif sur l’expérience que vous vivez.
Muriel : D’autant plus avec les yeux fermés.
Annie : Juste une petite remarque : lorsque je regarde l’enregistrement de chaque session, il m’est important de trouver quelque chose que je n’aime pas chez moi. Dans le cas contraire, à mes yeux, la performance ne serait plus bonne.
Daniel : J’ajoute à ce que dit Annie qu’à partir du moment où nous ouvrons la webcam, ensemble nous créons un espace public, celui-ci se construit à partir de tous les environnements dans lesquels nous nous trouvons, quels qu’ils soient. Et pour prolonger ce que vous évoquez Ivan : plus vous pratiquez Distant Movements, plus vous oubliez cette contrainte. Mais il y a d’autres contraintes qui accompagnent l’appareil : par exemple, comment s’engager dans Distant Movements ? J’ai abordé cette question de différentes manières, en testant différents paramètres. J’ai pratiqué Distant Movements sur le sol, debout, avec des écouteurs petits, puis plus grands pour mieux bouger. Toutes ces variations ont un impact sur ma façon de me mouvoir et me font prendre conscience que je suis toujours connecté à une machine, dans cet espace « intermédial », surtout les yeux fermés ! Notre protocole détermine une durée au préalable qui définit le temps durant lequel nous serons en mouvement ensemble, les yeux fermés. Nous savons donc à l’avance que cela va se terminer ; c’est déjà ça.
Annie : Sauf si vous invitez Lenke. (Lenke Kastelein, artiste performeuse et photographe, était notre première invitée, lors de sa participation à Distant Movement – session #9 – elle n’avait pas entendu l’alarme qui sonnait la fin de la session.)
Daniel : Effectivement. C’était très beau… C’est très beau ! Ce moment où, lorsqu’on ouvre les yeux, on voit quelqu’un qui continue le mouvement tout seul : c’est ce qui s’était passé avec Lenke… Je m’écarte peut-être ? Je ne peux m’empêcher de penser à une itération, non pas de Distant Movements, mais de Distant Feelings, il y a quelques années avec Annie, Lisa et moi-même. Distant Feelings ne contient aucune instruction en direction du mouvement cependant dans cette itération spécifique nous avons bougé : Nous sommes entrés en mouvement car nous cherchions la présence de l’autre alors que nous avions les yeux fermés et ne nous parlions pas. J’avais l’impression d’essayer de comprendre, de sentir si Annie et Lisa étaient là, c’est ce qui m’a poussé à bouger et fait que mon corps est entré en mouvement. Et je pense que cela participe de Distant Movements en particulier avec le protocole simple auquel nous sommes parvenus au cours de la période de quarantaine. Nous voulions que les participants éprouvent une certaine qualité du mouvement, ils pouvaient bouger comme ils le voulaient, tout en étant conscients qu’il y avait aussi d’autres corps en mouvement, ou cherchant à percevoir les autres corps. Comment appréhender cela ? Je ne peux parler que pour moi : je fais appel à mes autres sens, essayant de capturer des mouvements à distance, gardant à l’esprit que quelqu’un est là, observant comment mon corps réagit. Ensuite, j’oublie la webcam : Je me concentre sur ce que j’entends, je peux lui tourner le dos et ça ne me préoccupe pas. Je reste concentré pour entendre le son de l’ordinateur et percevoir comment cela m’affecte. Les courtes consignes que nous exprimions en fin de confinement n’étaient pas des instructions descriptives : nous partagions ce que nous ressentions sur le moment et nous indiquions une qualité, un état de corps, qui pouvait induire une sorte de mouvement. Ensuite, c’est en regardant les enregistrements vidéo que nous avons pu observer ce que cela produisait. Ce protocole contraste avec les sessions d’avant, au cours desquelles nous donnions des instructions spécifiques : même si elles pouvaient aborder l’imaginaire, elles étaient liées à ce que faisait mon corps et transcrites en instructions.
Ivan : Alix, tu veux …?
Alix : Oui, merci. J’aimerais parler de mes réactions, à partir de ma propre expérience de Distant Movements en rappelant ce que j’ai dit aussi dans l’enregistrement de la dernière session, pendant le confinement. Pour moi, le sens qui a été le plus stimulé était mon écoute. L’écoute du bruit blanc de l’ordinateur m’aidait vraiment à me sentir connectée à autrui. Je pense qu’il y a différentes choses dont il faut discuter. La première est une question d’espace, l’espace comme protagoniste de l’expérience. Je pense que le dispositif crée un espace « intermédial » comme déjà dit. Mais, si l’on se relie également à l’espace dans lequel on se trouve durant l’expérience, alors se construit également une ambiance, en ce qui me concerne, celle de mon bureau, de ma bibliothèque Et je trouve cela très intéressant de penser que Distant Movements crée aussi de la performativité dans un lieu de vie, que l’œuvre commune se crée dans la conjonction de toutes ces danses in situ. Une autre interrogation est celle de l’être-ensemble : cet être-ensemble m’amène à un point de la session de mai. Muriel dit qu’il n’y a pas de limite à l’expérience, mais bien sûr il y a une limite. Vous êtes les garants d’un espace liminal, mais vous êtes là aussi pour le mét
Enfin, une dernière réflexion pour Annie, à propos de la collaboration. Quelle est la différence entre la collaboration dans un processus de réalisation, et l’effectuation d’un mouvement à l’unisson ? Comment le guidage permet-il de produire de la différence ?
Ivan : Oui. Alors peut-être voulez-vous réagir à ce qu’Alix vient de dire en termes d’espace, de pièce, de convivialité, d’unisson et de tous ces différents aspects de l’expérience ?
Annie : Les guidages apportent-ils une différence ? Nous avons mis beaucoup de temps à trouver une certaine liberté dans ce que nous faisons. Il nous a fallu au moins sept sessions avant de commencer à danser, avant de nous permettre de bouger plus ou moins librement. Par exemple, Daniel et moi n’avons jamais cherché à faire pareil, mais je crois que Muriel avait « peur » que nous voulions l’essayer. Je cherchais autre chose. En regardant attentivement nos guidages respectifs on voit beaucoup de différences, nous mettons chacun l’accent sur des choses différentes. Notamment, je suis toujours… celle qui essaie d’interrompre, quand je sens que ça va trop loin, quelque part où je ne veux pas aller. Je ne sais pas.
Alix : Vous dites que les rôles sont répartis à l’intérieur de la guidance. C’est ce que vous venez de dire et c’est ce que j’ai compris. Alors peut-être est-il important que l’auteur nomme aussi son rôle parce que si vous dites : « C’est moi qui m’interromps lorsque je sens que ça devient trop fluide. » Alors, quel est ton rôle Daniel ?
Daniel : Mon rôle ?
Ivan : Dans le guidage…
Daniel : C’est changeant, principalement parce que je suis toujours dans le processus. J’ai toujours à l’esprit « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Pas dans le sens « Qu’est-ce que je fais dans ce projet ? » Mais plutôt, en quoi puis-je contribuer ? Qu’est-ce que je cherche ? Ainsi je continue à tester des choses, en essayant de donner sens. Plusieurs fois, peut-être pas pendant la période de confinement, j’ai essayé de suivre ouvertement la consigne, de la laisser conduire mon corps et d’exprimer cette réaction immédiate. Après, je cherche dans la trace vidéo si cela a réellement produit un effet et si les autres ont pu comprendre ce que je disais. Bien sûr, chaque interprétation reste toujours très individuelle, très personnelle. Ce qui me trotte dans la tête, c’est : comment puis-je réellement laisser cette instruction affecter mon propre espace et mon propre corps dans cet espace ? Comment puis-je la (consigne) faire rebondir et créer ainsi une sorte de flux, d’onde, en lien avec le mouvement que je fais ? Parfois, je me retrouve vraiment frustré parce que je sens bien que je ne suis pas toujours capable de produire ce lien. Pas durant la période de confinement parce que durant cette période spécifique nous avons beaucoup discuté et échangé sur ce que nous faisions… Je suppose que cela a grandement éclairé notre pratique. Nous étions aussi préoccupés par la manière dont cette pratique pourrait être plus ouverte, moins exigeante pour tout le monde.
Alix : Donc, Muriel, quel est ton propre rôle dans cette guidance ?
Muriel : Je cherche à faire apparaître tout ce qui peut nourrir un état de danse. Tout est bon pour moi pour que quelque part on passe à travers le mouvement pour entrer dans la danse.
Annie : Peux-tu être plus claire Muriel ?
Muriel : Oui… Pour être plus claire, je ne peux qu’exprimer plus intimement ma vision de la danse. C’est-à-dire, la danse, pour moi, se nourrit non seulement du regard intérieur, de la conscience du mouvement qui circule à l’intérieur de soi et donc éveille le regard intérieur, mais fait aussi appel à un imaginaire de soi, de l’autre et à une incorporation de son environnement. C’est par exemple, sentir à travers la peau de l’autre, imaginer la tactilité de l’autre. En fait, la danse, pour moi, apparaît quand se mettent à converser imaginaire et sensation : ce serait une conversation entre imaginaire et sensation. J’ai souvent l’impression dans les consignes que j’apporte à Distant Movements que ce qui est le plus complexe à partager : c’est l’imaginaire. Parce que l’imaginaire c’est quelque chose qui ne se partage pas ; je veux dire, c’est quelque chose qui permet d’entrer en relation avec les autres, mais mon imaginaire n’est pas celui de quelqu’un d’autre, c’est une évidence. L’imaginaire est très intime. Or, si l’imaginaire n’est pas éveillé, l’intégrité du mouvement dansé n’est pas entière, à mes yeux il y manquerait une partie. Sans imaginaire, le mouvement dansé est juste exécuté…
Donc dans Distant Movements… Oui Annie, je reconnais ta force d’interruption : et plus que d’interrompre, effectivement, tu as la capacité d’introduire rapidement un changement, d’appeler instantanément une autre dimension. Et la grande force de Daniel repose sur sa façon d’intégrer l’environnement dans lequel on vit : je ressens souvent dans ses guidages sa capacité à prendre en considération l’environnement réel ; dans quel endroit sommes-nous ? Alors que de mon côté, je dirais que j’ai une propension à amener l’imaginaire… Et ces rôles-là se sont décidés dans une interrelation : comme aucun de vous ne prenait en charge l’imaginaire, c’est moi qui l’ai pris ; comme aucun de nous ne prenait en charge l’interruption, c’est Annie qui l’a prise ; et comme aucun de nous ne parlait du quotidien, c’est Daniel qui l’a pris. Dans cette répartition, quelque chose entre en vibration, en connexion.
Annie : J’aimerais réagir Muriel car pour moi, tu es celle qui me guide à l’intérieur de moi-même. Tu me fais prendre conscience de mon corps et de de ce qui s’y passe. Parfois, Daniel aide aussi. Cependant mon imaginaire ne concerne que moi, je veux dire que je suis convaincue qu’il n’est pas possible de le partager.
Muriel : Je comprends ça. Je le sais. (Rires)
Annie : Ici, nous différons vraiment. Parce que si nous parlons de résonance, la résonance est pour moi quelque chose de différent de ce qu’elle représente pour toi, je pense. Parce que je ne peux pas résonner…
Ivan : Parlons de la résonance.
Annie : C’est une notion qui était assez étrange pour moi, jusqu’à récemment. Muriel m’a fait lire quelque chose, j’ai oublié… (“Hartmut Rosa” précise Alix). Cela ne me plaisait pas. Et puis j’ai lu A l’écoute de Nancy, là j’ai trouvé une autre résonance, que je pouvais comprendre et ressentir. Pour moi, la résonance est quelque chose qui se produit entre moi et tout ce qui m’entoure, elle me change en continu. Distant Movements fait la même chose, et c’est exactement ce que j’y cherche, ce que j’aime. Donc la résonance n’est pas entre toi et moi, Muriel, ni entre moi et Daniel, ni entre moi et les autres personnes qui participent. Pour moi, la résonance est quelque chose qui se trouve en moi, mais qui inclut tout ce qui se trouve autour, tout le temps. Donc aussi toi et aussi Daniel, et aussi… C’est ainsi que je peux le ressentir et en faire quelque chose.
Ivan : Il y a quelque chose de très intéressant dans ce que vous venez de dire Annie, et cela m’a juste fait penser à l’énaction qui est un concept qui a été développé en sciences cognitives par Francisco Varela, entre autres. Parce que c’est très proche de ce que vous venez de décrire. Cette interaction permanente entre ce que nous pourrions dire de l’intérieur, qui est cognitif, la sensation corporelle, et l’extérieur, qui est l’environnement, et la manière dont les uns et les autres interagissent en permanence et se façonnent en permanence. Ainsi, vous façonnez votre environnement de votre intérieur et l’environnement façonne votre intérieur. Au moins c’est comme ça que je comprends l’énaction, je veux dire. D’autres en donneraient une définition différente. Il y a cette interaction constante entre l’intérieur, l’extérieur, mon système cognitif au sens large. Mon corps, mon esprit et l’extérieur, qui n’est pas moi mais pour une certaine tradition, c’est aussi moi, en fait pour la tradition lointaine.
Annie : Oui.
Ivan : C’est très intéressant.
Annie : J’ai lu Varela et Maturana dans les années 90. Et j’en ai été très influencée… Entre-temps je les ai oubliés un peu, mais ils sont toujours là au fond de ma pensée. Aujourd’hui, je me sens plus liée — mais je ne suis pas philosophe, je lis juste des choses ici et là — avec Karen Barad et l’intra-action. C’est en relation avec ce concept que j’essaie de comprendre les choses maintenant. Juste avant cette interview, j’ai écouté un podcast de Martina Ruhsam qui enseigne à Giessen : elle parle de ses recherches sur la thématisation des entités non humaines dans la danse contemporaine ; comment les êtres humains peuvent déjà être considérés comme des cyborgs et comment, parfois, la présence virtuelle peut être vécue comme plus intime qu’une rencontre physique. Mais… Pourquoi est-ce que je raconte ça ?
Alix : Parce que c’est une bonne référence.
Annie : Martina est importante pour moi. J’ai travaillé avec elle dans un projet de performance en ligne sur l’agentivité des objets, qui s’appelait besides, (2015-2018). Je l’ai connu quand, en 2010, elle a parlé de ma pratique de la collaboration en ligne dans son livre Kollaborative Praxis, c’est aussi elle qui m’a introduit aux idées de Nancy. Et maintenant, elle a ce joli podcast A podcast on the future of dance and performance, dans lequel elle est interviewée par Beatrix Joyces, que je voudrais que tout le monde écoute.
Muriel : Je veux bien aussi vous exprimer ce que m’évoque la question de la résonance… Ce n’est pas encore un concept complètement clair pour moi, mais il y a quelque chose de vraiment très fort qui est porté par Hartmut Rosa et c’est proche de l’état d’improvisation en danse. Voyons ! Si je caricature ce que je veux dire, il y aurait deux versants : l’un est proche de l’Acteur Studio c’est à dire « je ressens, j’exprime et je donne à voir ce qui me constitue » ; Et puis, il y a l’autre versant, effectivement plus proche peut être de l’intra-action, qui propose que le « Je » que je suis est aussi en résonance avec le monde, c’est un rapport au monde. La résonance, c’est être en rapport avec le monde. Et à mes yeux, ce n’est pas « Je suis » en rapport avec le monde qui est important. Certainement ces deux versants participent-ils tous deux à un état qualitatif : il n’y a pas à les opposer.
Ce qui me semble important, c’est que cet état-là de résonance est présent dans l’improvisation en danse. Et finalement aussi, dans la composition en danse, sujet qui me préoccupe principalement. Lorsqu’un mouvement suit un autre mouvement, lorsqu’il y a quelque chose qui entre dans une évidence de succession, c’est qu’il y a une résonance qui s’est tapie d’un mouvement à l’autre. Un état de… Comment dire… Il y a un appel, une nécessité, qui n’est pas une nécessité du « Je », plutôt une nécessité du mouvement envers le mouvement suivant et l’espace dans lequel il se situe. La résonance exprime cette nécessité. Et elle se comprendrait peut-être encore distinctement si on parlait de l’indisponibilité. Il me semble que c’est la clé, en tout cas ce le fut pour moi. Prendre conscience que le monde est par essence indisponible à ma perception, c’est-à-dire que le préalable est que le monde m’est indisponible. Cette hypothèse m’oblige à adopter un état d’écoute, d’acceptation que quelque chose ne peut ni se répéter, ni se reproduire, ni être là, figé, alors que je suis ailleurs, un état de disponibilité à ce qui advient. C’est cette attitude qui à mes yeux nourrit la résonance. Il n’y a pas de « moi » dans la question de la résonance, or j’ai l’impression que bien souvent, on aurait tendance à s’arrêter à « je résonne avec » ou « ça résonne en moi ».
Annie : On est d’accord Muriel.
Alix : Peut-être que Daniel veut apporter quelque chose dans ce débat ou amener la discussion ailleurs, parce que cela devient un dialogue entre Muriel et Annie. Car je pense que dans le descriptif que vous nous avez envoyé avant cette conversation, la résonance s’est imposée et j’ai réagi en pensant qu’il fallait peut-être se méfier d’un concept trop prégnant.
Daniel : Je dirais que j’ai une approche plus physique, et c’est peut-être à l’encontre de ce que dit Muriel. À mes yeux, il y a un « moi » qui s’inclut dans l’affaire. Chaque itération est très spécifique, beaucoup de choses incontrôlables doivent être prises en considération : par exemple, mon humeur, l’heure de la journée, etc. Ces éléments contextuels opèrent comme des contraintes qui influent sur ma capacité à me rendre disponible. Donc, à cette question que nous partageons sur l’idée de résonance, moi, je réponds en essayant de comprendre ce qui résonne, ou pas, avec ce que je fais sur le moment. Ce n’est pas une décision logique, cela a à voir avec toutes les autres variables, notamment celles que je viens de nommer. Ainsi, parfois je veux suivre un certain chemin, parfois je ne veux pas. L’espace que nous avons créé est suffisamment ouvert pour que je puisse aller dans les deux sens. Lorsque je parle de comment suivre les instructions, comment cela produit un effet de mon côté et comment le faire rebondir sous la forme d’ondes, comme la pierre tombant dans l’eau produit des ondes, j’essaie de comprendre s’il est réellement possible grâce au numérique d’expérimenter cet effet. Je suis ouvert à suivre ce chemin, quel qu’il soit, et quoi que Muriel ou Annie puissent apporter. De mon point de vue la résonance est très pragmatique, sans être logique pour autant, puisque je ne décide rien à l’avance, je constate l’effet après coup…
Ivan : Il y a davantage de questions que nous pourrions aborder mais le temps passe. J’aimerais peut-être terminer avec une sorte de question de clôture : quel est l’avenir de Distant Movements, ou quel est le prochain projet qui émanera de Distant Movements ?
Annie : Nous ne procédons pas de cette manière. Nous avons tous les trois des souhaits, dont certains sont déjà formulés. C’est le moment d’écrire sur notre projet, cet entretien va y participer grandement… Et puis, personnellement je voudrais développer le côté performatif du projet.
Daniel : Je pense que nous venons juste d’arriver au début du rapprochement de nos univers : nous sommes également maintenant prêts à écrire, mais nous continuons à réfléchir. Quelque chose sortira inévitablement de ce que nous avons déjà fait jusqu’à maintenant. La période de quarantaine a été très exigeante pour moi. Et je suis vraiment heureux que nous puissions écrire sur cette pratique en observant comment cela a fonctionné, mais nous pouvons aussi continuer la recherche à partir de ce que j’appelle nos urgences. Par exemple, j’aimerais traverser l’expérience d’une session plus longue, au moins une heure, peut-être en silence, sans guidage…
Annie : Et nous ne sommes pas payés pour ça. Donc, d’une manière ou d’une autre, à un certain moment…
Alix : Cela doit cesser.
[Rire]
Ivan : De ne pas être payé …
Annie : Je voudrais trouver, par exemple, une résidence ou un moyen de faire payer au moins une petite partie. C’est donc aussi quelque chose qui est à…
Ivan : Ils ont développé le concept de résidence en ligne pendant la quarantaine, il y a donc quelques options pour obtenir un financement pour ce type de projet dès maintenant.
Muriel : Pour répondre à ta question, Ivan. Pour moi (non plus) ce n’est pas fini, enfin la recherche n’est pas finie, et c’est déjà très bien de nous entendre le dire. Bien sûr, en s’adaptant à la temporalité de chacun, le sujet qui m’intéresserait d’interroger aujourd’hui, en plus de faire apparaître la danse toujours et encore, porte sur la notion de performativité : comment mettre en relation l’expérience avec la performativité ? C’est peut-être encore deux notions qui s’opposent… Cependant, la question de l’enjeu de la pratique se pose à la fois dans la performativité et dans l’expérience. Cette question est également traitée au sein de l’axe deux « pratiques de recherche » de PRISM (le laboratoire de rattachement de ma thèse de doctorat). A travers Distant Movements, il me semble que nous pourrions trop facilement être limités par notre conception de la pratique et du partage de pratiques ! Pour être plus claire : à cause de la série Confinement, on pourrait croire que Distant Movements va désormais se limiter à une pratique somatique, à un éveil du regard intérieur à travers une proposition de danse à distance. Ce serait limiter l’expérience, notre partage de pratiques (au pluriel) englobe une pratique de recherche, une pratique performative, une pratique de danse, à distance. C’est une question essentielle, que de penser nos différentes entrées, visions et partages, des différentes pratiques contenues dans Distant Movements.
Annie : Intéressant !
Ivan : Je suggère de conclure ! Chacun de nous dispose de deux ou trois minutes en guise de conclusion… Je veux dire, vous n’êtes pas obligé, mais si vous voulez, juste pour conclure, vous n’avez que deux à trois minutes.
Muriel : Je voudrais prendre alors juste 10 secondes pour dire combien c’est important que la danse soit présente sur des territoires qui ne lui sont pas habituels, à quel point c’est important d’interroger sa présence dans un espace « intermédial ».
Alix : Faire de l’in situ dans l’espace numérique
[Rire]
Muriel : Oui ! C’est exactement ça.
Annie : Je voudrais ajouter quelque chose à propos de la langue, qui est une grande contrainte dans notre groupe et qui constitue parfois un obstacle. Mais je pense que nous l’avons transformée en avantage. Je ne peux pas décrire exactement pourquoi mais c’est ce que je ressens.5
Daniel : Je ne veux pas dire quelque chose de spécifique. Désolé.
[Rire]
Ivan : Alix, tu veux dire quelque chose ?
Alix : Eh bien, juste une question. En fait, vous aviez cette pratique très régulière pendant le confinement, mais c’était aussi lié à la période. Continuerez-vous donc à inviter de temps en temps ? Ou pensez-vous qu’il est temps de travailler davantage avec le trio pour comprendre ce que vous avez fait ?
Daniel : De mon point de vue, cela dépendra de tout ce sur quoi nous choisirons de travailler. L’invitation aux autres est encore possible. La quarantaine était un contexte très spécifique éprouvé par tous ; c’est ce qui nous a décidé à ouvrir l’expérience à qui veut, mais cela s’est un peu éloigné de la recherche originale. Comme je l’ai dit précédemment, cette période est importante car elle a éclairé la recherche. Cependant je ne sais pas si nous en concluons que notre pratique se poursuivra en l’état, les choses sont ouvertes aux nécessités de la recherche.
Ivan : Et, en ce qui me concerne, je veux juste dire que j’ai le sentiment que j’aurais aimé parler davantage de la notion d’expérience. Parce que je pense que c’est aussi un merveilleux outil pour faire de la recherche sur la notion d’expérience, comment chaque participant traverse la même itération, et pourtant peut vivre quelque chose d’entièrement différent. Et en particulier l’expérience du temps parce que nous n’avons pas parlé du temps. Pourquoi 15 minutes et la raison pour cela ? En effet, l’expérience du temps est extrêmement différente d’une personne à l’autre. Donc, ce serait un tout autre sujet de conversation et une bonne perspective à ce travail.
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Why is the use of videoconferencing so exhausting? An analysis on the demands. Video essay by ANNIE ABRAHAMS and DANIEL PINHEIRO, in Abrahams, A., Pinheiro, D., Carrasco, M., Zea, D., La Porta, T., de Manuel, A., … Varin, M. (2020). Embodiment and Social Distancing: Projects. Journal of Embodied Research, 3(2), 4 (27:52). DOI: http://doi.org/10.16995/jer.67
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GODFROY Alice CLAM Jean – (2014, avril 4). “Vers une phénoménologie interne du corps dansant”. Communication dans le cadre du Colloque international “La recherche en danse entre France et Italie : approches, méthodes et objets”
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Online en-semble https://bram.org/en-semble/index.html, online performance 29 of March 2018, Art of the Networked Practice symposium, School of Art, Design & Media, Nanyang Technological University, Singapore. Invited by Randall Packer.
Histoire des sessions de Distant Movements jusqu’en mai 2020
La première fois : 30 juin 2018 dans le cadre de “Pisa Performing Art” (12 minutes, une seule voix guide, celle de Muriel, en français, traduite en italien – nous ne bougeons pas encore, nous écoutons une description de danse pour faire bouger notre intérieur – est-ce visible sur le visage ?).
Annie ouvre un espace sur le web, dédié à recueillir nos notes (réflexives ou en projection) et les images vidéo des sessions : https://distantmovements.tumblr.com
#2 : Guidé par Muriel, qui imagine le mouvement et le décrit (Fr, 12 min, 28/07/18)
#3 : Guidée par Muriel, qui s’appuie sur la respiration et introduit le son (Fr, 12 min, 28/07/18)
#4 : Guidé par Annie, qui se concentre sur la relation avec la webcam (Fr, 12 min, 01/08/18)
#5 : Guidé par Daniel, qui apporte une prise de conscience de l’espace et du champ de l’image de la webcam (Ang, 12 min, 01/08/18).
#6 : Début de la guidance alternée (Fr, Ang, 20 min, 06/09/18)
#7 : 3 guidances individuelles : Daniel utilise l’écoute (pas d’enregistrement) – Muriel examine la lumière et le toucher et nous conduit vers la sensation ; Annie guide les yeux ouverts en regardant l’écran, elle propose le mouvement libre et la notion de plaisir, utilise la mémoire et introduit une pause en ouvrant les yeux quelques secondes (Fr, Ang, 3 fois 10 min, 30/09/18).
La présence à soi et le silence sont posés comme des facteurs importants (cf. texte de Muriel du 20/10/18). Des conseils partagés sont adoptés.
#8 : Test avec les téléphones portables, guidage alterné (12 min., Fr, Ang, 08/11/18). En décembre 2019, Annie reprend cette idée pour la performance Mobile Movements à la Biennale de Lyon.
#9 : Première invitée : Ienke Kastelein. Préparation, silence, lenteur, conscience du corps, plaisir, respiration, l’écran comme partenaire. Ienke déborde de temps, elle poursuit l’expérience en saisissant la guidance. Muriel dit qu’elle commence à comprendre le virtuel physiquement. Nous commençons à exprimer avec des mots les bases de notre projet (voir la conversation qui suit la session). (15 min. +, Fr, Ang, 26/11/18)
#10 : Avec Elsa Decaudin, Jean-Marc Matos et Isabel Costa. (15 min., Fr, Ang, Pt, 25/03/19)
#11 : Avec Martina Ruhsam et Johannes Birringer. (15 min., Fr, Ang, 25/03/19) Centré sur l’écran en tant qu’objet/présence – nous pensons que cela ne fonctionne pas.
#12 : Avec Hélène Roussel et Déborah Nourrit. L’accent est mis sur le corps de chacun et ses propres sensations. Le nez qui guide, devient la première anecdote liée au concept de résonance. A noter que l’invitation à saisir la guidance n’est pas suivie des faits. (15 min., Fr, Ang, 26/03/19)
#13 : Session présentée en direct dans le cadre d’un atelier universitaire auquel Muriel a participé. Invités, en ligne Alice Lenay et dans le public Guilherme Silveira-Carvalho. Entre l’assemblée et les participants, un hiatus a été mis en évidence : l’importance du temps de préparation en amont. La présence d’un public joue-t-elle, nuit-elle ?
#14 : Deux sessions consécutives avec Christine Graz, Marina Pirot et Laetitia Madancos. L’accompagnement est confié aux invités : pas de tentative convaincante. (2 fois 15min., Fr, Ang 28/02/20)
#15 : Sept expériences ouvertes à tous pendant la période de confinement. Différents protocoles ont été expérimentés, soulevant un certain nombre de questions sur l’objectif, le comment du projet et le concept de résonance. Cette série conduit à l’établissement d’un protocole pour Distant Movements en tant que pratique : sa validité est réduite à des sessions ouvertes à des étrangers. (7 fois 15min, Fr, Ang 25/03/20 – 06/05/20)