États d’art

Xavier Lambert


Citer cet article

Lambert, X. (2017). États d’art. p-e-r-f-o-r-m-a-n-c-e, 4.


Il me semble important en premier lieu de définir d’où je parle, à partir de quelle posture j’interviens ici. Je me revendique en tant que créateur et chercheur. J’ai une pratique artistique et cette pratique artistique est l’élément qui justifie ma recherche en même temps qu’elle la nourrit. Et, si je me permets de parler de la création artistique de manière plus générale, notamment à travers ses processus, c’est pour tenter de voir si les modèles scientifiques que j’ai élaborés à partir de ma propre pratique sont généralisables, tout ou partie, à l’ensemble des processus de création, plastique en tout cas.

Je conduis depuis quatre ou cinq ans une pratique graphique qui ressortit au dessin automatique, ou, plus précisément, à une forme de dessin automatique qui s’apparente aux griffonnages qu’on appelle dessins téléphone. Il s’agit de dessins à l’encre noire avec un stylobille sur des feuilles de papier blanc. Ces dessins émergent dans le même type de conditions que le dessin téléphone, à savoir une écoute que l’activité non délibérément dirigée de la main sur la feuille permet paradoxalement de renforcer, un peu comme le fait de tricoter pendant une conversation. Ils sont produits dans des réunions où j’ai besoin d’avoir une attention captive. En fait, ils n’étaient à l’origine, à la toute première origine, qu’une succession de traits tracés de façon plus ou moins compulsive qui donnait des patterns évoquant un peu le principe de l’arabesque. Ces griffonnages n’avaient pas d’autre avenir que le classement éventuel de la feuille en fonction des notes que j’y avais déposées.

Les choses ont réellement commencé à évoluer lorsque, de façon fortuite probablement, je ne saurais pas dire précisément comment c’est venu, je me suis mis à accompagner ces traits de micro-surfaces dans lesquelles j’ai varié la pression du stylo sur la feuille. Je ne pense pas que les frères Bíró, à qui on doit la mise en forme technique définitive du stylo à bille, aient pensé que leur outil pouvait avoir une telle diversité de trace graphique à son usage, mais le fait est qu’il permet une très grande modulation qui n’est pas sans rappeler celle de la mine graphite. Les modulations dans ces micro-surfaces sont rapidement devenues des modelés. Je rappelle pour mémoire que le modelé renvoie, selon le Larousse, à : « Relief réel ou simulé des formes en sculpture, en peinture, etc.[1] » Nous n’étions donc plus dans le domaine de l’arabesque, qui renvoie au plan, mais dans une structuration tridimensionnelle, simulée, du moins, pour reprendre les termes du Larousse.

Dès lors, naissait quelque chose qui posait problème en ce sens que se créait un micro-univers figé (hors du processus d’effectuation, bien sûr) qui, en peu d’espace, fait apparaître une structure plastique fortement structurée qui tient de la germination dans son processus et de la lithification dans son résultat. Ces structures acquéraient ainsi une personnalité plastique forte au point que je ne pouvais plus les évacuer comme je le faisais avec les quasi-arabesques. Ces dessins étaient des mondes et, en tant que tels, avaient leur propre autonomie sémiotique. J’ai donc conservé les feuilles non plus pour ce qui était écrit dessus mais pour ce qui était dessiné dessus.

Si, au début, ces dessins ne duraient, dans le temps de leur construction, que le temps de la réunion qui les avait impulsés, certaines réunions pouvant durer parfois toute une journée, je me suis retrouvé avec des dessins qui couvraient une surface relativement importante. D’ailleurs, assez rapidement, le dessin occupait le centre de la feuille et les notes la périphérie. Depuis un an maintenant, ces dessins sont l’objet d’une feuille particulière, rapidement passée au format 21×29,7 centimètres. Le dispositif est le même, ce sont toujours des dessins effectués sans intention initiale autre que le fait de faire un dessin, mais leur effectuation s’effectue sur plusieurs séances et le dessin s’interrompt définitivement lorsque j’ai décidé que la façon dont il occupe la feuille justifie cette interruption.

À ce stade du processus, ces dessins n’ont pas pour fonction de faire œuvre en tant que telle. Ils sont systématiquement numérisés à très haute résolution sans que leur destination ne soit nécessairement déterminée. J’ai fait un premier travail de monstration il y a trois ans pour une exposition personnelle. Les dessins en tout petit format avaient été agrandis sur de grandes bâches blanches de 2×1,5 mètres. Le résultat était intéressant visuellement mais ne me convenait pas tout à fait. Il y a une dimension d’ordre virtuel dans ces dessins que le tirage sur bâche figeait un peu trop. La dernière expérimentation que j’ai mise en œuvre tout récemment, pour les dessins de plus grand format, consiste à les laisser sur support électronique en les diffusant sur des écrans plats grand format posés verticalement et d’incruster dans une zone précise, déterminée après coup, une courte séquence vidéo plus ou moins repérable. Elles sont prévues pour être accompagnée d’une création sonore.

Voilà donc en ce qui concerne la dimension historique et formelle du processus. Mais si je parle d’une dimension d’ordre virtuel, c’est avant toute chose parce que la fonction première de ces dessins, en tout cas sur le moment, est de servir de support à l’analyse des processus qui se mettent en œuvre dans le temps poïétique de leur exécution graphique. L’objectif de cette recherche est de tenter de comprendre ce qui est convoqué dans les processus gestuels et mentaux, et bien sûr l’articulation qui se met en place des uns aux autres.

Un monde complexe émerge donc sur la feuille. Le trait inchoatif est un trait jeté, c’est-à-dire qu’il est produit par une certaine gestualité qui fait intervenir une certaine fulgurance, puis, rapidement, ce trait est réinvesti par d’autres dispositifs graphiques qui vont l’étoffer, y compris d’ailleurs au sens qu’on donne à ce verbe dans la pratique sculpturale qui est, à propos d’une statue, de : « Lui donner plus d’ampleur, en l’agrémentant de draperies flottantes[2] », la plissure étant une donnée récurrente des compositions qui émergent. Pas seulement la plissure textile, d’ailleurs. On est même plutôt dans le pli cutané, organique, et, peut-être hercynien. Voire, en fin de compte, d’un pli organique lithifié, pour reprendre l’expression. En fait, la gestuelle de la poïèse pourrait évoquer certains types de pratiques musicales où le rythme varie entre staccato et legato.

Mais il est important de noter que cette émergence n’est en rien le fruit  d’une projection déjà  formalisée en tant qu’image consciente préalable. Nous sommes, je l’ai dit, dans le domaine du dessin automatique. Cela signifie que si, par définition, l’image produite est le résultat de l’activité du cerveau, nous ne sommes pas véritablement dans une production consciente et délibérée en tant que telle. Encore faut-il préciser, me semble-t-il, le champ de cette conscience ou de cette absence de conscience. Il va de soi que ces opérations ne peuvent s’effectuer dans une totale absence de conscience. Damasio[3] distingue trois niveaux de conscience, ou de non conscience. Il y a l’état de non-conscience qui correspond par exemple à l’état endormi. Puis l’état de conscience, tout court, que l’on pourrait aussi appeler conscience primordiale, et qui caractérise tout être vivant, comme l’amibe, par exemple, qui se rétracte lorsqu’elle est agressée par un objet. Pour qu’elle se rétracte, il faut qu’elle ait conscience, même à un niveau très primitif, de former une entité. Vient enfin ce que Damasio appelle la conscience réflexive qu’on pourrait résumer par le fait d’être conscient d’être conscient. Si, effectivement, dans les productions qui ressortissent au dessin automatique, il n’y a pas véritablement convocation de la conscience réflexive, il doit nécessairement y avoir un niveau de conscience minimal du corps, ne serait-ce que pour permettre d’être dans un état dessinant. En fait, cet exercice suppose deux niveaux de conscience, un niveau de conscience primordiale et un niveau de conscience réflexive, dans le même temps. Pour préciser encore les choses, peut-être peut-on convoquer le concept de « conscience pré-réflexive » que propose Jean Vion-Dury :

« Un second niveau de conscience est celui d’une vigilance ouverte, d’un accueil panoramique, d’une conscience de base minimale, graduelle et ouverte. C’est ce que l’on dénomme “awareness”. Ce second niveau, cette conscience pré-réflexive, couche profonde de notre conscience réflexive est multimodale, pré-conceptuelle et pré-cognitive. Elle est présente avant toute séparation de nos modalités sensorielles.[4] »

 Jean Vion-Dury propose par ailleurs, mais en articulation avec celui de conscience pré-réflexive, le concept de « veille paradoxale[5] » qu’il associe aux techniques bouddhistes de méditation mais aussi à l’hypnose, partant du fait que dans les deux cas les caractéristiques EEG[6] sont du même ordre. Le niveau de conscience réflexive est celui qui est convoqué pour être attentif au contenu de la réunion, aux propose des intervenants. Et le niveau de conscience pré-réflexive est celui qui, nous l’avons vu, est convoqué par le dessin automatique, sachant qu’en outre, par un mécanisme que je ne connais pas, la mobilisation de la conscience pré-réflexive pour le dessin automatique permet de renforcer la mobilisation de la conscience réflexive.

Cela dit, la question de la qualité de cette conscience paradoxale mérite d’être posée. On ne peut pas la réduire, dans la séquence qui nous intéresse ici, à une conscience de type réflexe comme dans le cas de l’amibe cité précédemment. Il y a nécessité d’un minimum de compétences cognitives. Et ce, pour deux raisons. La première, c’est qu’il faut une maîtrise de l’outil qui requiert une dextérité suffisante pour que le dessin, l’acte graphique, soit signifiant aussi bien au regard de l’ensemble qui se construit que de la démarche elle-même. Jean-Pierre Changeux situe au niveau du cortex : « Les mouvements finement coordonnés des doigts qui règlent coups de crayon ou touches de pinceau sont sous la commande de cellules de régions spécialisées du cortex cérébral, dites sensori-motrices, qui envoient leurs ordres (après un relais au niveau de la moelle épinière) aux muscles qui les exécutent. Ce même domaine cérébral contrôle les déplacements de la main et son orientation.[7] » Reste que les ordres transmis par les cellules du cortex sont déterminés par des patterns qui se construisent à partir de connaissances acquises suffisamment construites pour que l’adéquation soit maximale entre l’ordre donné par le cortex et son exécution par la main. C’est la caractéristique du geste technique.

La deuxième, c’est que ce geste technique n’est pas une finalité en soi. Nous sommes ici dans le cadre de ce que Jean-Luc Nancy appelle Tekné poïétike : « La poésie, avant d’être le nom d’un art particulier, est le nom générique de l’art. Tekné poïétiké : technique productive. Cette technique, c’est-à-dire cet art, cette opération calculée, ce procédé, cet artifice produit quelque chose non pas en vue d’autre chose ni d’un usage, mais de sa production même.[8] » Le geste ne peut donc pas être uniquement machinal même s’il suppose l’utilisation importante de routines. En fait, chaque trait est potentiellement un objet esthétique qui sera investi en tant que tel par le cerveau à partir de données cognitives accumulées par l’expérience de la pratique artistique en même temps que d’une culture artistique. Cela ne veut pas dire que ces données cognitives sont convoquées en terme de références conscientes, formulées sous la forme d’images formalisées. Changeux souligne que :

« […] l’idée du tableau ne surgit pas du brouillard. La combinatoire créatrice travaille sur des éléments déjà structurés. L’artiste fait appel à des images et représentations ”mnémoniques”, à un vocabulaire de formes et de figures qui se sont stabilisées dans sa connectivité cérébrale, au même titre que sa langue maternelle, au cours d’un long processus d’épigenèse par sélection de synapses qui marque chaque individu d’une trace particulière.[9] »

En fait, l’hypothèse que je pose est qu’il ne s’agit pas véritablement d’un vocabulaire de formes et de figures au sens achevé que cela pourrait laisser supposer, mais plutôt de possibilités de connexions multiples de données élémentaires à partir desquelles l’artiste va créer des combinaisons privilégiées en fonction des données, liées notamment à sa façon d’être au monde, avec ce que cela suppose d’acquis collectifs, et qui existent dans le cerveau sous forme dispositionnelle pour reprendre Damasio[10]. On sait la capacité du cerveau à développer des régions neuronales particulières en fonction d’une activité, professionnelle notamment, qui sollicite fréquemment le même type de connections synaptiques. On peut donc supposer que le cerveau de l’artiste est sensible à certains patterns qui lui serviront de base à une pratique combinatoire. Borillo estime que :

« L’information sensorielle est traitée par un dispositif neurophysiologique associant des connaissances préalablement mémorisées et des dispositions intentionnelles. Sur ce schéma de base, commune à tous les individus, vient se greffer une “variabilité” qu’il est difficile d’attribuer à tel ou tel organe mais qui assure la singularité de la perception individuelle.[11] »

Citant Zeki, il émet l’hypothèse que les artistes visuels développent particulièrement des aptitudes leur permettant « de “structurer intuitivement l’espace au moyen d’un vocabulaire de formes” qui lui est propre…[12] » Mais ces dispositions ne sont pas innées, elles se construisent au fur et à mesure de l’expérience esthétique de l’artiste à travers sa propre pratique en même temps que la façon dont il se construit dans son rapport au monde qui l’entoure. Thorpe précise à juste titre, à propos des réponses neuronales qui interviennent dans la reconnaissance des objets que : « … leur existence apporte une preuve de l’influence que peuvent avoir nos connaissances culturelles au niveau de la sélectivité même de nos neurones.[13] »

L’artiste aurait donc cette capacité de développer des réseaux neuronaux singuliers, singuliers à chaque artiste. Les outils expressifs qu’il développe s’inscrivent dans une certaine variabilité par rapport aux patterns qu’il a constitués et l’acte poïétique consisterait, en partie tout du moins, à évaluer la performance euscopique[14] des signes créés par rapport à ces patterns. On peut admettre effectivement que la construction du vocabulaire qui permet l’émergence des formes sous le stylo renvoie à une fonction fitness. Un processus de sélection de type darwinien qui, par un dispositif de sélection/récompense va finir par affiner progressivement le champ des combinaisons formelles.

Ces combinaisons ne se font pas à partir d’un registre préalable de formes élaborées. C’est vrai de façon générale dans les créations visuelles, mais c’est particulièrement vrai dans le cadre du dessin automatique. Je ne pense pas, dans ma pratique en tout cas, que le dessin automatique permette de faire émerger des formes existant à l’état latant, en quelque sorte, dans l’inconscient. Comme je le propose précédemment, ces formes résulteraient plutôt de combinaisons de données élémentaires. Berthoz rappelle que : « La mémoire contient des éléments simples appelés “géons”.[15] » Les géons sont des formes élémentaires en deux ou en trois dimensions qui constituent la base analytique de toute forme, quelle que soit sa complexité. Il estime qu’une « bibliothèque d’environ 36 géons permettrait d’identifier un nombre considérable d’objets.[16] » La reconnaissance des formes, aussi complexes soient-elles, s’effectuerait par combinaison des géons contenus dans cette bibliothèque. Peut-on supposer alors que la construction de formes s’effectue sur un principe identique en sens inverse ? C’est-à-dire à partir d’une bibliothèque réduite, dans un registre donné, de formes élémentaires qui, par combinaison, permettent de construire une composition complexe.

On sait que des systèmes hypercomplexes, comme les fourmilières par exemple, ne sont en fait basés que sur une programmation très simple de chacun des agents qui le constituent sans plan d’ensemble. C’est le principe de ce qu’on appelle la « stimergie[17] ». Le concept d’émergence qui marque la science contemporaine, notamment du point de vue de la biologie et de l’informatique, s’appuie en grande partie sur ce principe qui peut se complexifier encore par le fait que des valeurs initiales proches peuvent diverger, même faiblement, et aboutir à des résultats différents. C’est ce qui caractérise le modèle physique et mathématique du Chaos. Le processus créateur serait alors à la fois un processus stimergique et un processus chaotique. C’est particulièrement vrai, me semble-t-il, en ce qui concerne le modèle de dessin automatique que je propose. Chaque trait peut être la cause d’une divergence, phénomène que connaissent bien les artistes et qui peut soit donner à un repentir, soit être assumé pleinement comme dispositif expressif. C’est le cas paradigmatique du fameux grand verre de Duchamp. La différence tient sans doute au fait que le principe de divergence est un principe de base du dessin automatique. Non seulement parce que l’accident, le trait qui dévie, par exemple, par rapport à ce que le cerveau avait prévu, permet de faire émerger des schémas en rupture avec le projet immédiat du geste (le fait d’utiliser le stylobille est une mise en danger permanente). Mais aussi, et surtout, parce que l’accident est en tant que tel une donnée constitutive de l’émergence par le fait même qu’il n’y a pas de schéma inchoatif.

Néanmoins, même si les processus que je décris laissent apparaître une certaine absence de responsabilité de l’artiste dans le processus, il ne faudrait pas limiter l’analyse du processus à un réductionnisme biologique et systémique. Même si la poïèse de l’œuvre ne procède pas en tant que telle d’un processus délibéré dans son déroulement, même si, par ailleurs, on peut repérer les dispositifs neuronaux qui président à cette poïèse avec tout ce que j’ai expliqué sur la façon dont ils inscrivent la spécificité de l’artiste, l’œuvre ne résulte pas que d’une seule fonction fitness. Ou alors, il faut admettre que cette fonction repose sur des données plus complexes que la simple satisfaction euscopique immédiate.

Si on peut admettre que le processus que j’ai décrit, notamment en articulation avec la fonction fitness, s’inscrit plus généralement dans la perspective d’un équilibre homéostatique qui caractérise tout être vivant, il faut admettre aussi que l’humain n’est pas qu’un organisme biologique. Damasio nous explique que : « La même impulsion homéostatique qui a façonné le développement des mythes et des religions a joué pour faire émerger les arts, aidée en cela par cette même curiosité intellectuelle et cette même pulsion d’exploration.[18] » La création artistique procède donc de cet équilibre homéostatique par le fait qu’en tant que lieu par excellence de la « curiosité intellectuelle » et de la « pulsion d’exploration », elle inscrit un équilibre dynamique, c’est-à-dire un équilibre qui se construit par sa remise en cause permanente. Car la création artistique procède ontologiquement d’un processus néguentropique. Dominique Lestel remarque qu’un chimpanzé mis en situation de peindre au cours d’une expérience faisait preuve de sens de la conception et que les structures visuelles qu’il produisait étaient fortement marquées par la symétrie. Je ne sais pas si ce constat est extensible à tous les chimpanzés dans cette situation, mais il me semble qu’on touche là un point nodal. Le chimpanzé aurait tendance à produire une image de type homéostatique dans sa composition alors que la création artistique, je ne parle pas ici de l’art des fous qui est un domaine tout à fait particulier, en tant que production humaine se situe, elle,  dans un jeu permanent qui convoque en répons équilibre homéostatique et rupture homéostatique. La composition relève par exemple plus généralement du contrepoint que de la symétrie. Cette articulation est une donnée constituante du processus de création en ce que l’équilibre dynamique dont elle relève participe du décalage cognitif que l’œuvre d’art doit nécessairement entretenir avec le réel dont elle est issue, dans le même temps que c’est cette dimension qui lui permet, je pense, d’être elle-même productrice de réel.

Pour conclure, je propose comme hypothèse que le dessin automatique, par le fait qu’il ne participe pas d’un schéma programmatique, où il n’a pas pour d’autre projet de représentation que sa propre présentation, ne peut pas être considéré comme le paradigme du dessin. Et les schémas à partir des quels j’ai proposé de l’analyser peuvent peut-être servir de modèle scientifique à l’analyse des processus graphiques en général dans le cadre plus global de l’analyse systémique des processus poïétiques.


Notes

[1] Dictionnaire de français Larousse, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/modelé/51918, consulté le 12/01/14

[2] http://www.cnrtl.fr/definition/étoffer, consulté le 14/02/14

[3] Antonio Damasio,  L’autre moi-même – Les nouvelles cartes du cerveau, de la conscience et des émotions, Paris, Odile Jacob,  2012, Traduit de l’anglais (États Unis)  par Jean-Luc Fidel

[4] Jean Vion-Dury, « Peut-il exister une interprétation neurobiologique de l’expérience esthétique du sublime ? », Dans l’atelier de l’art, expériences cognitives, Mario Borillo dir., Seyssel, Champ Vallon coll. Milieux, 2010, p. 99

[5] Ibid., p. 101

[6] Électro-EncéphaloGraphiques

[7] Jean-Pierre Changeux, Du Vrai, du beau, du bien. Une nouvelle approche neuronale, Paris, Odile Jacob, 2008- 2010, p. 147

[8] Jean-Luc Nancy, @Techniques du présent : essai sur On Kawara, Cahiers philosophiques, cycle de conférences organisé par le Nouveau Musée/Institut d’Art Contemporain, Villeurbanne, Nouveau Musée, 1997, p. 6

[9] Jean-Pierre Changeux, ibid., p. 143

[10] « […] tous nos souvenirs, qu’ils nous aient été légués par l’évolution, qu’ils soient de naissance ou bien qu’ils aient été acquis ensuite – existent dans notre cerveau sous forme dispositionnelle, en attente de devenir des images ou des actions explicites… » Antonio Damsio, op. cit., p. 180

[11] Mario Borillo, « Art avec cognition, mille détours pour une rencontre », Dans l’atelier de l’art, expériences cognitives, op. cit., p. 24

[12] Ibid., p. 24-25

[13] Simon Thorpe, « L’œil, le cerveau et l’art », ibid., p. 142

[14] Le concept d’euscopie a été utilisé par Christian Metz à propos du film dans l’article qu’il a consacré à Étienne Souriau, « Sur un profil d’Étienne Souriau », Revue d’esthétique, nos 3-4, 1980, p. 150, http://isites.harvard.edu/fs/docs/icb.topic235120.files/MetzProfilSouriau.pdf consulté le 04/03/14

[15] Alain Berthoz : La décision, Paris, Odile Jacob, 2002, 2013, p. 266

[16] Ibid.

[17] Le concept de stimergie a été créé en 1959 par la biologiste Pierre-Paul Grassé. « Des robots stimergiques », Le Monde Science&médecine, 19/02/04, p. 6

[18] Antonio Damasio, op. cit., p. 356


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